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Elle touche de plus en plus de secteurs. On la soupçonne d’être un frein à la croissance. La pénurie de main-d’œuvre qualifiée est actuellement très discutée en Allemagne. Qu’en est-il ? D’où vient cette situation ? Quelles sont les solutions envisagées ?

Les enquêtes le montrent : de plus en plus d’entreprises se plaignent de difficultés de recrutement. Cette situation n’est pas nouvelle. Les secteurs « en tension », tels que le secteur médico-social ou l’informatique, peinent depuis plusieurs années à recruter. Mais la pénurie semble faire tache d’huile et suscite de nombreux débats, tant sur son ampleur que sur les solutions à apporter. Qu’en est-il ?

Quelle sont les raisons de cette situation et les remèdes envisagés. Un tour d’horizon.

Une forte demande de main-d’œuvre

De manière générale, la demande de main-d’œuvre est forte en Allemagne, alors même que le nombre d’actifs atteint déjà des records (près de 46 millions). En 2022, l’Agence fédérale pour l’emploi (BA), a recensé en moyenne 845 000 postes à pourvoir. Un niveau « très élevé » malgré la guerre en Ukraine, la situation géopolitique et les incertitudes économiques, commente l’institution. En 2021, on comptait en moyenne 139 000 postes à pourvoir de moins.

Les secteurs concernés

Selon le ministère fédéral de l’Économie et de la Protection du Climat, il n’existe pas de pénurie généralisée de main-d’œuvre qualifiée, mais des pénuries sectorielles et régionales. Elles touchent actuellement 352 catégories de métiers sur 801. Et plus de 50 % des entreprises y voient dorénavant le principal risque pesant sur leur activité. Par comparaison, elles étaient 16 % à considérer la pénurie de main-d’œuvre qualifiée comme un risque économique en 2010.

Selon un classement établi en 2022 par l’Institut de l’économie allemande (IW) sur la base des données officielles, les secteurs les plus touchés sont le secteur médico-social, le secteur éducatif, l’artisanat (notamment dans le secteur de la rénovation énergétique) et l’informatique. Les métiers scientifiques (liés aux mathématiques, à l’informatique, aux sciences et aux sciences de l’ingénieur) sont également très impactés.

L’institut IW a cherché à quantifier le manque de main-d’œuvre. Il avance le chiffre de 537 000 emplois non pourvus, tous métiers confondus, sur la période allant de juillet 2021 à juillet 2022.

Quelles sont les causes ?

Plusieurs facteurs sont à l’origine de cette situation. À court terme, certaines difficultés de recrutement s’expliquent par les conséquences de la pandémie. Mises à l’arrêt, certaines entreprises, par exemple dans l’hôtellerie-restauration, ont licencié leur personnel en 2020. Or, les salariés ont entre-temps retrouvé un emploi dans un autre secteur, souvent avec une meilleure rémunération ou de meilleures conditions de travail. Ce phénomène touche aussi les services et certains métiers artisanaux, tels que la coiffure.

De manière moins ponctuelle, la question de la rémunération et des conditions de travail explique également les difficultés de recrutement dans des secteurs tels que le médico-social.

La principale cause structurelle de la pénurie réside toutefois dans la démographie. Les générations nombreuses du « babyboom  », nées à la fin des années 1950 et dans les années 1960, vont atteindre l’âge de la retraite dans la décennie à venir. Or, la natalité a chuté depuis les années 1990. Il va en résulter une réduction de la population active, dont les premiers effets se font déjà sentir.

Selon des projections du ministère fédéral de l’Économie et de la Protection du Climat, la population en âge de travailler (20-65 ans) devrait ainsi baisser de 3,9 millions d’ici à 2030 et de 10,2 millions d’ici à 2060. À partir des données officielles, le manque de maind’œuvre est estimé à 240 000 personnes à l’horizon 2026.

D’autres facteurs structurels s’ajoutent à ces causes majeures de la pénurie. C’est le cas de la proportion élevée (9,7 % des 18-24 ans) de jeunes qui sortent du système scolaire sans diplôme, ni formation, ni emploi. C’est également le cas du délaissement relatif des filières d’apprentissage au profit des études universitaires par les jeunes générations. Il y a là des potentiels qui restent malheureusement inexploités, se plaignent les entreprises.

Quelles solutions ?

Le gouvernement allemand a présenté le 12 octobre 2022 une nouvelle Stratégie pour la main-d’œuvre qualifiée. Elle établit cinq grandes priorités : la formation initiale, la formation continue ciblée, le recours aux potentiels inexploités et l’augmentation du taux d’emploi (femmes travaillant à temps partiel, séniors), l’amélioration de la qualité et de la culture du travail ainsi que le recours à l’immigration ciblée.

Pour ce qui est de la formation, le gouvernement a déjà commencé à mettre en place des incitations ciblées. C’est le cas, par exemple, dans le cadre de la nouvelle allocation citoyenne (Bürgergeld) , qui a vu le jour au début de l’année pour les bénéficiaires de minima sociaux.

En matière de rémunérations, certains secteurs ont commencé à évoluer en augmentant les salaires. Cela a été le cas de la santé en 2020  ou de l’éducation en  2022.

Quant aux conditions de travail, la réflexion se poursuit pour accroître la souplesse offerte aux salariés, en particulier à ceux qui doivent concilier vie familiale et vie professionnelle. Outre le télétravail, qui s’est imposé depuis trois ans, la discussion porte sur une plus grande liberté dans le choix des horaires, voire sur l’instauration de la semaine de quatre jours.

Enfin, le recours à l’immigration est actuellement au cœur des débats. L’Agence fédérale pour l’emploi estime les besoins à 400 000  nouveaux travailleurs immigrés par an pour couvrir les besoins de main-d’œuvre qualifiée non-résorbables par des moyens domestiques.

Outre les ressortissants d’autres pays de l’Union européenne (UE) , qui peuvent s’installer librement, les travailleurs qualifiés de pays tiers (c’est-à-dire hors UE)  peuvent bénéficier depuis 2020 de la Carte bleue européenne pour venir travailler en Allemagne.

Désormais, le gouvernement souhaite faire un pas de plus et assouplir davantage les conditions de l’immigration de travail pour les ressortissants de pays tiers. À l’automne dernier, il a présenté à cette fin les grandes lignes d’une nouvelle loi sur l’immigration de main-d’œuvre qualifiée.

Le texte doit être adopté cette année. Il vise à doter l’Allemagne de la législation la plus moderne d’Europe en matière d’immigration de travail. Il repose sur trois piliers : l’assouplissement des conditions d’octroi de la Carte bleue pour les étrangers dotés d’une qualification reconnue en Allemagne, une ouverture aux travailleurs sans qualification officiellement reconnue mais dotés d’une expérience professionnelle pertinente dans un domaine précis, et enfin le recrutement de « potentiels » via un système à points. A.L.

En savoir plus :

Ministère fédéral de l’Économie et de la Protection du Climat  ( en allemand)

Ministère fédéral du Travail et des Affaires sociales  ( en allemand )

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